Et ce, pour sept semaines consécutives (5,12,19,26 Juillet et 2,9,16 Août).
AU PROGRAMME:
- Légère collation
- Flashs communautaires
18h15 - Paulyn Lacroix et Jacinthe Fisette, guitare et accordéon,
19h25 - Tirage des prix de présence
19h45 - Fin
Les Nobel, richesse de l’immigration
(Washington) Il y a un peu moins d’un siècle, les États-Unis resserraient de façon draconienne leurs critères d’immigration en provenance de l’Europe. Or, les enfants et les petits-enfants des immigrants qui ont bénéficié, jusqu’en 1924, de la politique des portes ouvertes représentent le tiers des Prix Nobel américains de médecine.
Elle-même petite-fille d’immigrants polonais et ukrainiens pauvres (et d’arrière-grands-parents italiens), la biologiste Lynn Caporale a voulu creuser davantage le sujet. Elle a présenté les résultats de ses recherches au congrès annuel de l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS), qui s’est déroulé début mars à Washington.
« Je vis à New York, où je vois sans cesse la richesse de l’immigration, à tout le moins sur le plan culturel. Je m’y suis intéressée et j’ai décidé de voir comment on pouvait calculer les coûts et bénéfices de l’immigration. Étudier les Prix Nobel m’a semblé une bonne manière de faire cette analyse. J’ai été très surprise de constater l’ampleur de l’impact des immigrants sur la science américaine, par l’entremise de cette étude des Nobel. »
En 1890, 8 % des Américains nés à l’étranger provenaient d’Europe du Sud ou orientale. En 1910, cette proportion est passée à 39 %, notamment à cause des pogroms frappant les Juifs en Pologne et en Russie. Une Amérique isolationniste s’en inquiète et, en 1924, restreint l’immigration de ces régions. Le nombre d’immigrants italiens chute alors de 200 000 à seulement 4000 par année.
« Les immigrants de l’Europe du Sud et orientale étaient souvent pauvres, avec très peu d’éducation formelle, et ils ne parlaient pas anglais », explique Mme Caporale, qui a fait carrière dans l’industrie pharmaceutique avant de se pencher sur les Nobel issus de l’immigration.
La fin abrupte de leur arrivée aux États-Unis peut être considérée comme une expérience scientifique. Quel a été leur impact sur la société américaine, par rapport aux immigrants qui sont arrivés juste après ? J’ai décidé de me pencher sur une seule variable très visible, les prix Nobel.
Lynn Caporale, biologiste
Les premiers Nobel allaient généralement à des Européens. À partir des années 1920, les Américains ont commencé à compter pour les jurys du Nobel, mais il a fallu attendre les années 1940 et 1950 pour que les États-Unis soient à parité avec le Vieux Continent.
« Et depuis, c’est en grande majorité des Américains qui remportent les prix Nobel, dit Mme Caporale. Et presque une centaine d’Américains qui ont reçu le Nobel, le quart du total, sont soit arrivés enfants, soit ont des parents ou grands-parents nés à l’étranger. Dans le cas du Nobel de médecine, c’est le tiers. Dans une grande majorité de cas, ce sont des descendants de la vague d’immigration européenne pauvre des années 1890 à 1924, quand 20 millions d’étrangers ont émigré aux États-Unis. »
Selon Mme Caporale, cela signifie que les craintes quant à l’immigration sont erronées pour ce qui est de la contribution – ou du coût – de ces nouveaux venus pour les États-Unis.
Nous avons un remarquable système d’éducation publique, qui permet à des enfants de gens pauvres et peu éduqués d’aller au maximum de leurs capacités. S’ils ont décidé d’émigrer, ce n’est pas pour ensuite faire le minimum possible. Ce sont des gens qui veulent le meilleur pour leurs enfants, qui vont les pousser à l’excellence.
Lynn Caporale, biologiste
Il n’y avait pas de filet de protection sociale dans les années 1920 et 1930, alors que maintenant, les plus pauvres aux États-Unis ont accès à des programmes comme Medicaid ou l’aide alimentaire (food stamps). Est-ce possible que les immigrants d’alors fussent davantage poussés à se dépasser à cause de la menace de la pauvreté ?
« Je ne pense pas que des gens qui ont tout quitté sont des gens qui restent assis et se plaignent de leur sort, explique Mme Caporale en entrevue. Je pense que l’idéal comme aide gouvernementale pour eux est de les connecter avec les emplois disponibles. Mon expérience personnelle est que les immigrants que je rencontre aujourd’hui ne sont pas paresseux, contrairement à beaucoup d’autres gens qui restent assis sur leur sofa à regarder des commentateurs fielleux à la télé médire à propos des immigrants. »
Mme Caporale a publié deux livres en marge de sa carrière pharmaceutique. The Implicit Genome célèbre la beauté des gènes et de leurs composants, alors que Darwin in the Genome explique comment la sélection naturelle utilise les mutations génétiques.
En tout, 7 des 27 Canadiens qui ont remporté un Nobel (souvent en lien avec une carrière aux États-Unis) ont un lien similaire avec l’Europe centrale ou orientale. Il s’agit de Sidney Altman (chimie, 1989, né à Montréal dans une famille d’origine tchèque), Gerhard Herzberg (chimie, 1971, Juif allemand ayant fui les nazis), David Hubel (médecine, 1981, son grand-père était bavarois), Rudolph Marcus (chimie, 1992, né à Montréal dans une famille d’origine lituanienne), John Polanyi (chimie, 1986, il a grandi en Allemagne dans une famille de Juifs hongrois qui a fui les nazis), Ralph Steinman (médecine, 2011, né à Montréal dans une famille juive ukrainienne) et Jack Szostak (médecine, 2009, né à Montréal dans une famille d’origine polonaise).
Alfred Nobel (1833-1896) est l’inventeur de la dynamite. Elle lui a permis de faire fortune. Le chimiste suédois a légué sa fortune à la fondation qui porte son nom, qui honore depuis 1901 les grands scientifiques, ainsi qu’une personnalité de la littérature et une autre qui s’est honorée en œuvrant pour la paix. Le jury pour la chimie et la physique est l’Académie royale des sciences de Suède, alors que pour la médecine, le choix est fait par l’Institut Karolinska, une université médicale suédoise.