Une tomate bien juteuse, mûrie sous un chaud soleil, rien ne se rapproche plus du goût du bonheur. Surtout quand on l’a plantée, bichonnée et récoltée soi-même, dans son propre potager. Envie de tenter le coup ? Voici quelques conseils pour obtenir des légumes frais et croquants tout au long de la belle saison.
Pour la famille de Valérie Chartrand, l’été est synonyme de potager. Avant que le soleil ait réchauffé la terre, les semis sont déjà en route, sur une étagère du sous-sol. Éclairés par des lampes fluorescentes, les cotylédons font bientôt leur apparition, puis les tiges et les feuilles. Dès que le mercure le permettra, tous mettront la main à la pâte pour les transplanter, les nourrir et veiller sur les nouvelles pousses.
Valérie n’a pas toujours eu le « pouce vert ». Avant de se lancer, il y a huit ans, elle a lu plein de livres d’horticulture et a fait des recherches sur le web. « Pendant le premier été, nous avons étudié l’ensoleillement de notre cour. J’ai cherché des façons de profiter au mieux de l’espace qu’on a. Depuis, chaque année, je note dans un journal mes observations de la saison », souligne la jeune trentenaire, associée de recherche clinique.
Ses efforts ont porté leurs fruits! Avec sa superficie de la taille d’une piscine, le potager – un carré constitué de cadres de pruche hauts d’une quarantaine de centimètres posés à même le sol et remplis d’un bon terreau – fournit toute la famille en légumes pendant la saison des récoltes. Les réserves d’ail et de haricots secs s’étirent même parfois jusqu’à l’hiver.
Au début, Valérie et son conjoint faisaient un jardin surtout pour le plaisir de manger leurs propres végétaux. Avec l’arrivée de leurs filles, c’est devenu un projet familial. « Elles sont très impliquées dans chacune des étapes, raconte la mère en allaitant Agathe, sa petite dernière. Et maintenant qu’elles comprennent tous les efforts qu’il y a derrière un simple concombre, hors de question pour elles de le laisser dans l’assiette et de le gaspiller. »
Zoé, six ans, et Maude, quatre ans, désherbent, arrosent, sèment et cueillent, suivant leurs capacités et leurs intérêts. Si le jardin est si productif, c’est beaucoup grâce à leur labeur. Durant la belle saison, ce coin de leur cour, à LaSalle, dans le sud-ouest de l’île de Montréal, devient une aire d’apprentissage. Mais, pour elles, cela représente surtout une extraordinaire zone d’exploration. Elles y grignotent des pois sucrés, savourent toutes sortes d’herbes aromatiques, cueillent des carottes qu’elles vont laver sous le jet du boyau d’arrosage avant de s’en régaler… Et, à partir de l’année prochaine, leur petite sœur sera assez grande pour les accompagner dans leurs découvertes.
« Si je n’avais pas d’enfant, je cultiverais sûrement beaucoup moins, concède Valérie. Mais c’est un tel bonheur de voir le jardin à travers les yeux de mes filles! Elles m’ont appris à ralentir et à profiter de ces petites joies. Les regarder s’émerveiller et croquer avec appétit dans un légume qu’on a fait pousser ensemble, c’est ma récompense. »
La maman est loin d’être la seule à se passionner pour l’agriculture urbaine. Pas moins de 42 % des Montréalais s’y adonneraient, selon un sondage mené en 2013 par la Ville de Montréal – il n’existe pas de statistiques à l’échelle provinciale. Et ce pourcentage a fort probablement augmenté depuis, selon la porte-parole de la Ville de Montréal, Karla Duval. « Les pratiques agricoles en ville se sont beaucoup améliorées et diversifiées au cours des dernières années. La culture en bacs, les jardins collectifs, l’aménagement de potagers dans de nouveaux lieux comme les toits, les parcs et les zones industrielles permettent à de plus en plus de citoyens et même d’entreprises de cultiver leurs légumes », dit-elle.
Des bases solides
Si on se lance dans le projet de faire pousser ses légumes, autant le faire en se donnant les conditions gagnantes, estime l’agronome Marie-Josée Vézina, du Laboratoire sur l’agriculture urbaine, associé à l’UQÀM. « Le bon plant au bon endroit! » résume-t-elle.
Le potager doit bénéficier de cinq à six heures d’ensoleillement chaque jour si on veut obtenir une récolte intéressante. On prend donc le temps d’étudier son terrain, tout comme la composition du sol. Le pH devrait être neutre, et la texture, ni trop argileuse ni trop sablonneuse, afin de permettre un drainage et une aération efficaces. Les experts des pépinières de notre région peuvent nous aider à établir un « diagnostic » du sol et nous conseiller un traitement au besoin.
On peut aussi opter pour un potager en pot ou encore pour la culture surélevée, comme l’a fait Valérie Chartrand. Cette méthode, aussi appelée planches de culture, consiste à définir des bandes de terre cultivée qui sont à portée de bras de façon que la terre n’y soit jamais piétinée ni tassée, et des allées entre chacune pour le passage des jardiniers. Elles sont placées au-dessus du sol naturel et peuvent être entourées d’un cadre en bois – souvent des madriers de pruche.
Le plus important, selon l’horticultrice Mélanie Grégoire: investir dans un bon terreau. « C’est là qu’on doit mettre son budget. Mieux vaut partir avec un terreau de qualité et moins de plantes que l’inverse », dit l’autrice du livre Les Quatre saisons de votre potager (Les Éditions Québec Amérique). Le prix d’un sac de terre à jardin varie de 3 $ à 5 $. On évite la terre noire, bon marché, mais beaucoup trop acide et pauvre en nutriments.
Un autre gage de réussite: avoir un point d’eau à proximité, qu’il s’agisse d’un boyau d’arrosage ou d’un baril de récupération d’eau de pluie. Si on a à traverser la cour quinze fois pour arroser son potager, on risque de négliger cette tâche cruciale.
Une fois les plants en terre, la touche finale: le paillis. Qu’on utilise de la paille, du gazon coupé ou des feuilles mortes, cette couche limitera la prolifération des mauvaises herbes, empêchera l’érosion des sols et maintiendra l’humidité de la terre. Le paillis de cèdre, utile pour les arrangements ornementaux, ne convient pas à la culture maraîchère.
Il risque d’asphyxier le sol, privant les racines des légumes de l’oxygène dont elles ont besoin.
La croissance, ça s’entretient
Un tour au jardin chaque jour est préférable à une longue corvée hebdomadaire, avance Mélanie Grégoire. « On va au jardin pour l’arroser? C’est aussi l’occasion d’enlever au passage quelques mauvaises herbes et de cueillir ce qui est prêt, dit-elle. Certaines variétés comme les pois et les courgettes produisent beaucoup plus lorsqu’on les récolte au fur et à mesure. »
On en profite aussi pour repérer la présence de maladies ou d’insectes, comme le fait la technicienne en horticulture Jasmine Kabuya Racine, afin de prévenir les pertes. « Si on constate que de la moisissure s’installe au pied de nos plants de tomate, il sera encore temps de les sauver. Et si quelques vers ont élu résidence dans notre chou frisé, on les écrase tout simplement à la main, sans recourir à un pesticide », conseille-t-elle.
Et l’arrosage? On y procède le matin ou le soir pour éviter l’évaporation de l’eau, et en deux ou trois temps. « On fait un premier tour qui vient briser la croûte de terre sèche à la surface du sol, puis on revient pour que l’eau pénètre bien en profondeur », explique Sara Miranda-Gauvin, cofondatrice de l’organisme On sème, qui offre des formations par l’intermédiaire de son programme École du potager urbain. On n’arrose que la terre, pas les feuilles, sous peine de voir celles-ci brûler sous les rayons du soleil, et les légumes être gagnés par des maladies fongiques.
Tout au long de la saison, on devra s’assurer que les plants ont tous les nutriments qu’il leur faut pour donner de beaux – et nombreux! – fruits et légumes. Avant même de les mettre en terre, on étend du compost dans tout le potager. Cette dose suffira à des variétés qui ont un cycle de croissance très court, comme les laitues. D’autres nécessiteront un apport supplémentaire en engrais, particulièrement à certaines étapes de croissance, dont la floraison.
Les engrais de synthèse, s’ils sont efficaces, n’ont pas la faveur de Jasmine Kabuya Racine. « C’est qu’ils agissent un peu comme un soluté. Ils nourrissent directement la plante, mais pas toute la vie microbienne du sol, contrairement à d’autres options comme le fumier de poule. Ils sont donc moins bénéfiques à long terme pour la fertilité de la terre », explique-t-elle.
Espace maximisé
On veut exploiter chaque petit centimètre dont on dispose ? Inutile d’entasser les plants pour y parvenir. D’autres solutions bien plus efficaces existent. D’abord, le compagnonnage, adopté par Valérie Chartrand, qui mise sur la complémentarité des différents légumes. Les tomates, très gourmandes en nutriments, peuvent partager le même emplacement que le persil, plus frugal. Les légumes-racines, qui poussent en profondeur, sont jumelés aux légumes- feuilles, qui utilisent la surface. « Cette technique favorise beaucoup la pollinisation grâce à la diversité. En prime, elle peut éloigner les insectes indésirables, qui repéreront plus difficilement l’odeur de leurs plantes préférées », note Jasmine Kabuya Racine.
On peut aussi se tourner vers la « production à temps plein », qui consiste à semer durant toute la saison. Sara Maranda-Gauvin donne un exemple pour définir cette technique: « Tôt le printemps, on plante du radis, qui sera prêt en 35 jours tout juste. On peut ensuite utiliser la même parcelle pour des carottes, qu’on cueillera une soixantaine de jours plus tard. On n’est rendu qu’en août! On continuera avec une verdure résistante, comme la roquette. »
Et pourquoi ne pas privilégier la verticalité? « Faire grimper les pois, haricots, courgettes sur une palissade fait gagner tellement de place au sol! » s’exclame Mélanie Grégoire.
Des ressources pour franchir les obstacles
Insectes, maladies, faible rendement, les écueils ne manquent pas sur la route du jardinier. « On ne deviendra pas expert en un été. Il faut seulement développer les bons réflexes pour aller chercher les informations dont on a besoin », fait observer Sara Maranda-Gauvin, soulignant que plusieurs groupes sur les réseaux sociaux peuvent nous venir en aide.
Un problème nous embête, un insecte au jardin nous intrigue ? Il suffit d’en publier une photo et de poser la question à ces groupes, qui s’avèrent souvent une source précieuse de conseils et de solutions.
Certains sites web constituent eux aussi une mine d’informations, celui d’Espace pour la vie, par exemple, ou bien d’IRIIS phytoprotection, suggéré par l’agronome Marie-Josée Vézina pour son répertoire complet et sa riche banque d’images sur les ennemis et les alliés des cultures (symptômes, insectes, mauvaises herbes…).
Pour respecter un calendrier précis sans trop se casser la tête grâce à des exemples visuels de chaque geste à accomplir, on peut suivre Mélanie Grégoire sur son site Mjardiner.com. Chaque semaine, elle y présente une capsule vidéo tournée chez elle, dans les Cantons-de-l’Est, où on la voit à l’œuvre.
Quelles que soient les difficultés rencontrées, on ne doit pas se décourager. En jardinage, les plaisirs l’emportent sur tout!
Le potager en pot
Tout peut-il être cultivé en pot? « Oui… et non, répond l’horticultrice Mélanie Grégoire. Puisque les plantes en pot ont un accès très limité à l’eau et aux nutriments, contrairement à celles qui poussent en pleine terre, elles ont besoin de plus d’attention. C’est le cas des tomates, très gourmandes en engrais, et du basilic, qui ne tolère pas un sol trop sec, par exemple.»
Cela ne signifie pas qu’on doive renoncer à ces légumes. On devra simplement adapter sa routine. Comment? En arrosant plusieurs fois par jour pendant les canicules et en étant généreux en engrais. Il faudra aussi dès le départ remplir ses pots ou ses bacs avec un mélange composé d’un tiers de compost et de deux tiers de terreau. Les contenants doivent être suffisamment grands, sans quoi nos plants seront faméliques, prévient Jasmine Kabuya Racine, technicienne en horticulture. «J’aime beaucoup les pots en géotextile. Ils sont économiques, offerts en très grand format, faciles d’entreposage et, surtout, ils aident le système racinaire. C’est que la racine, quand elle rencontre une surface dure comme le plastique, se met à tourner sur elle-même et s’asphyxie. Mais, en contact avec une matière textile, elle se ramifie », explique-t-elle.
Erreurs à éviter
Voir trop grand.
On commence par cinq ou six espèces, histoire d’apprendre à les connaître avant de prendre
de l’expansion. « Si on entreprend un projet trop ambitieux, on s’expose à l’échec. C’est décourageant ! » s’exclame la consultante Sara Maranda-Gauvin.
On commence par cinq ou six espèces, histoire d’apprendre à les connaître avant de prendre
de l’expansion. « Si on entreprend un projet trop ambitieux, on s’expose à l’échec. C’est décourageant ! » s’exclame la consultante Sara Maranda-Gauvin.
Entasser ses plants.
Respecter les distances de plantation est loin d’être facile. « On a toujours tendance à semer trop serré, à vouloir mettre en terre les quelques graines qu’il nous reste, même si on manque d’espace. Moi-même, ça m’arrive de le faire au moins une fois dans l’année », dit l’horticultrice Mélanie Grégoire. Sauf que cette exagération attire les ennuis. Les maladies se répandent, les plants produisent moins, la pollinisation est moins efficace…
Respecter les distances de plantation est loin d’être facile. « On a toujours tendance à semer trop serré, à vouloir mettre en terre les quelques graines qu’il nous reste, même si on manque d’espace. Moi-même, ça m’arrive de le faire au moins une fois dans l’année », dit l’horticultrice Mélanie Grégoire. Sauf que cette exagération attire les ennuis. Les maladies se répandent, les plants produisent moins, la pollinisation est moins efficace…
Bouder la diversité.
Les monocultures sont rarement promises au succès, estime Jasmine Kabuya Racine, technicienne en horticulture. « C’est une erreur fréquente. Les gens plantent les mêmes deux ou trois variétés en grande quantité, et ça se passe mal. » Les insectes pollinisateurs se font plus rares, ce qui affecte le rendement, les maladies et les insectes nuisibles font davantage de ravages. La clé, c’est d’adapter la diversité à la superficie dont on dispose. Plus le terrain est grand, plus il faudra varier. Si on souhaite tout de même s’en tenir à seulement quelques variétés de légumes, il est bon de planter quelques fleurs à proximité.
Elles éloigneront les ennemis et attireront les alliés.
Les monocultures sont rarement promises au succès, estime Jasmine Kabuya Racine, technicienne en horticulture. « C’est une erreur fréquente. Les gens plantent les mêmes deux ou trois variétés en grande quantité, et ça se passe mal. » Les insectes pollinisateurs se font plus rares, ce qui affecte le rendement, les maladies et les insectes nuisibles font davantage de ravages. La clé, c’est d’adapter la diversité à la superficie dont on dispose. Plus le terrain est grand, plus il faudra varier. Si on souhaite tout de même s’en tenir à seulement quelques variétés de légumes, il est bon de planter quelques fleurs à proximité.
Elles éloigneront les ennemis et attireront les alliés.
Semences d’ici
Pourquoi planter la même variété de tomate que celle qu’on trouve dans tous les supermarchés quand on a accès à une centaine d’autres, tellement savoureuses? « La plus importante différence entre les semences génériques des grandes surfaces et les semences ancestrales, produites par de petits semenciers de chez nous, c’est le goût! » fait valoir Sara Maranda-Gauvin, consultante chez On sème. Les semences les plus répandues sur le marché sont celles de variétés de légumes vendues dans les épiceries ou les quincailleries. Or, ces dernières ont été sélectionnées au fil du temps pour des qualités comme leur résistance au transport ou leur durée de vie sur les tablettes. C’est tout le contraire dans le cas des variétés ancestrales. Seule la saveur compte.
De plus, les semences de producteurs québécois, comme Le nutritionniste urbain, Terre Promise, les Jardins de l’écoumène ou Les Jardins du Grand-Portage, sont bien mieux adaptées à notre climat. Après tout, elles proviennent de plants ayant connu un très bon rendement chez nous. « C’est d’autant plus vrai si on achète d’un semencier de notre région. Des semences produites à Kamouraska sont parfaites pour les froids du Bas-du-Fleuve, mais peut-être pas pour les canicules de la métropole » , indique Marie-Josée Vézina, du Laboratoire sur l’agriculture urbaine.
Encourager les producteurs locaux permet aussi de sauvegarder le patrimoine semencier du Québec, certaines variétés de légumes ayant passé bien près de disparaître avec l’industrialisation de l’alimentation. Le haricot grand-mère, la tomate mémé de Beauce, le melon de Montréal valent la peine d’être redécouverts… et sauvés.
On plante quoi?
Voici des variétés faciles à cultiver qui donnent des fruits et des légumes goûteux!